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était dans notre famille. Mon père fut un homme sage et craignant Dieu. Mon frère a été un homme sage, instruit dans la science et aimant Dieu. Vous devez être sage aussi, quand les épreuves de la jeunesse seront finies. Je pense donc que votre dessein vous est inspiré par le bon ange. Peut-être aussi que la volonté divine n’est pas de laisser finir notre race. Vous en êtes le dernier rejeton ; c’était peut-être un désir téméraire de ma part que celui de vous engager dans le célibat. Sans doute, les moindres familles sont aussi précieuses devant Dieu que les plus illustres, et nul homme n’a le droit de tarir dans ses veines le sang de sa lignée, s’il n’a des frères ou des sœurs pour la perpétuer. Allez donc où vous voulez, mon fils, et que la volonté d’en haut soit faite. »

Ainsi parlait, ainsi pensait la mère Féline. C’était une noble créature, vraiment religieuse, et n’ayant d’une paysanne que le costume, la frugalité et les laborieuses habitudes ; ou plutôt c’était une de ces paysannes comme il a dû en exister beaucoup avant que les mœurs patriarcales eussent été remplacées par l’âge de fer de la corruption et de la servitude. Mais cet âge d’or a-t-il jamais existé lui-même ?

Jeanne était née sage et droite ; son frère, l’abbé Féline, l’avait perfectionnée par ses exemples et par ses discours. Il lui avait tout au plus appris à lire ; mais il lui avait enseigné par toutes les actions, par toutes les pensées, par toutes les paroles de sa vie, le véritable esprit du christianisme. Cet esprit de religion, si effacé, si corrompu, si perverti ; si souillé par ses ministres, depuis le fondateur jusqu’à nos jours, semble heureusement, de temps à autre, se réveiller, avec sa pureté sans tache et sa simplicité antique, dans quelques âmes d’élite qui le font encore comprendre et goûter autour d’elles. L’abbé Féline, et par suite sa sœur Jeanne, étaient de