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disait-elle, puisque, quand je veux absolument me compromettre pour vous, vous ne voulez pas m’aider.

Elle me dit les choses les plus folles et les plus tendres, sans manquer à l’instinct d’exquise pudeur que possèdent les jeunes filles quand elles ont de l’esprit. Checchina, qui écoutait ce dialogue au point de vue de l’art, était émerveillée, comme elle me dit par la suite, della parte della marchesina. Quant à Nasi, je rencontrai dix fois son regard mélancolique attaché sur Alezia et sur moi avec une émotion indicible.

Alezia devenait embarrassante par sa véhémence. Elle me trouvait froid, contraint ; elle prétendait que mon regard manquait de joie, c’est-à-dire de franchise. Elle s’alarmait de mes dispositions, elle s’indignait de mon peu de courage. Elle avait la fièvre, elle était belle comme la sibylle du Dominiquin. J’étais fort malheureux en cet instant, car mon amour se réveillait, et je sentais tout le prix du sacrifice qu’il fallait faire.

Une voiture entra dans le jardin, et nous ne l’entendîmes pas, tant l’entretien était animé. Tout à coup la porte s’ouvrit, et la princesse Grimani parut.

Alezia poussa un cri perçant et s’élança dans les bras de sa mère, qui la tint longtemps embrassée sans dire une seule parole ; puis elle tomba suffoquée sur une chaise. Sa fille et Lila, à ses pieds, la couvraient de caresses. Je ne sais ce que lui dit Nasi, je ne sais ce qu’elle lui répondit en lui serrant les mains. J’étais cloué à ma place ; je revoyais Bianca après dix ans d’absence. Combien elle était changée ! mais qu’elle me paraissait touchante, malgré la perte de sa beauté première ! Que ses grands yeux bleus, enfoncés dans leurs orbites creusées par les larmes, me parurent plus tendres encore et plus doux que je ne me les rappelais. Combien sa pâleur m’émut, et comme sa taille, amincie et un peu brisée,