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les fausses grandeurs sociales. Ma conscience, ma dignité, me semblaient être la conscience et la dignité du peuple : en m’avilissant, j’eusse avili le peuple. « Carbonari ! carbonari ! m’écriai-je, je serai digne d’être l’un de vous. » Le culte de la délivrance est une foi nouvelle ; le libéralisme est une religion qui doit ennoblir ses adeptes, et faire, comme autrefois le jeune christianisme, de l’esclave un homme libre, de l’homme libre un saint ou un martyr.

J’écrivis la lettre suivante à la princesse Grimani :

« Madame,

Un grand danger a menacé la signorina ; pourquoi vous, tendre et courageuse mère, avez-vous consenti à l’éloigner de vous ? N’est-elle pas dans l’âge où tout peut décider de la vie d’une femme, un instant, un regard, un soupir ? N’est-ce pas maintenant que vous devez veiller sur elle à toute heure, la nuit comme le jour, épier ses moindres soucis, compter les battements de son cœur ? Vous, madame, qui êtes si douce et pleine de condescendance pour les petites choses, mais qui, pour les grandes, savez trouver dans le foyer de votre cœur tant d’énergie et de résolution, voici le moment où vous devez montrer le courage de la lionne qui ne se laisse point arracher ses petits. Venez, madame, venez ; reprenez votre fille, et qu’elle ne vous quitte plus. Pourquoi la laissez-vous dans des mains étrangères, livrée à une direction malhabile qui l’irrite et la pousserait à de grands écarts, si elle n’était votre fille, si le germe de vertu et de dignité déposé par vous dans son sein pouvait devenir le jouet du premier vent qui passe ! Ouvrez les yeux ; voyez que l’on contrarie les inclinations de votre enfant dans des choses légitimes et sacrées, et qu’ainsi l’on s’expose à la voir résister aux sages conseils et se faire une habitude d’indépendance