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la quittant, je m’étais juré de ne faire aucune imprudence. En repassant dans ma mémoire le souvenir de ces derniers instants où elle m’avait semblé si naïve et si touchante, je sentais que je ne pouvais plus agir légèrement envers elle sans perdre ma propre estime. Je n’osais pas prendre des informations sur son entourage, encore moins sur son intérieur ; je n’avais voulu voir personne dans les environs, et maintenant j’en étais presque fâché ; car j’eusse pu apprendre par hasard ce que je n’osais demander directement. Le domestique qui me servait était un Napolitain arrivé avec moi et comme moi pour la première fois dans le pays. Le jardinier était idiot et sourd. Une vieille femme de charge, qui tenait la maison depuis l’enfance de Nasi, eût pu m’instruire peut-être ; mais je n’osais l’interroger, elle était curieuse et bavarde. Elle s’inquiétait beaucoup de savoir où j’allais, et, pendant les trois jours que je ne lui avais pas rapporté de gibier, ni rendu compte de mes promenades, elle était si intriguée, que je tremblais qu’elle ne vînt à découvrir mon roman. Un nom seul eût pu la mettre sur la voie. Je me gardai donc bien de le prononcer. Je ne voulais pas aller à Florence, j’y étais trop connu ; je m’y serais à peine montré, que j’eusse été inondé de visites. Or, dans la disposition maladive et misanthropique qui m’avait fait chercher la retraite de Cafaggiolo, j’avais caché mon nom et mon état tant aux gens des environs qu’aux serviteurs de la maison même. Je devais garder plus que jamais mon incognito ; car je présumais que le comte allait arriver, et que ses velléités de mariage pourraient bien lui faire désirer d’ensevelir dans le mystère la présence de la Checchina dans sa maison.

Deux jours s’écoulèrent ainsi sans que Nasi revînt, lui qui eût pu m’éclairer, et sans que j’osasse faire un pas dehors. La Checchina fut prise de vives douleurs et d’un gros