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me suis mise en route pour aller te rejoindre, me disait-elle, et me reposer sous les doux ombrages de Cafaggiolo des fatigues du théâtre. J’ai versé à San Giovani ; j’en suis quitte pour quelques contusions ; mais ma voiture est brisée. Les maladroits ouvriers de ce village me demandent trois jours pour la réparer. Prends ta calèche et viens me chercher, si tu ne veux que je périsse d’ennui dans cette auberge de muletiers, etc. » Je partis une heure après, et, au point du jour, j’arrivai à San Giovani.

— Comment se fait-il que tu sois seule ? lui dis-je en essayant de me débarrasser de ses grands bras et de ses fraternelles accolades, insupportables pour moi depuis ma maladie, à cause des parfums dont elle faisait un usage immodéré, soit qu’elle crût ainsi imiter les grandes dames, soit qu’elle aimât de passion tout ce qui flatte les sens.

— Je me suis brouillée avec Nasi, me dit-elle ; je l’ai planté là, et je ne veux plus entendre parler de lui !

— Ce n’est pas très sérieux, repris-je, puisque pour le fuir tu vas t’installer chez lui.

— C’est très sérieux, au contraire ; car je lui ai défendu de me suivre.

— Et c’est pour lui en ôter les moyens, apparemment, que tu prends sa voiture pour te sauver, et que tu la brises en chemin ?

— C’est sa faute ; il fallait bien presser les postillons ; pourquoi a-t-il la mauvaise habitude de courir après moi ? J’aurais voulu me tuer en versant, et qu’il arrivât pour me voir expirer, et pour apprendre ce que c’est que de contrarier une femme comme moi.

— C’est-à-dire une folle. Mais tu n’auras pas le plaisir de mourir pour te venger, puisque d’une part tu ne t’es pas fait de mal, et que de l’autre il n’a pas couru après toi.

— Oh ! il aura passé ici cette nuit sans se douter que j’y suis, et tu l’auras croisé en venant. Nous allons le trouver à Cafaggiolo.

— Il est assez insensé pour cela.

— Si j’en étais sûre, je voudrais rester ici huit jours cachée, afin de l’inquiéter, et de