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s’environner de symboles et de détours ; il faut leur persuader qu’il ne s’agit que d’une liberté fictive et restreinte à l’exercice de la pensée individuelle ; d’une égalité relative, étendue seulement aux membres de l’association, et praticable seulement dans ses réunions secrètes et bénévoles ; enfin, d’une fraternité romanesque, consentie entre un certain nombre de personnes et bornée à des services passagers, à quelques bonnes œuvres, à des secours mutuels. Pour ces esclaves de la coutume et du préjugé, nos mystères ne sont que les statuts d’ordres héroïques, renouvelés de l’ancienne chevalerie, et ne portant nulle atteinte aux pouvoirs constitués, nul remède aux misères des peuples. Pour ceux-là, il n’y a que des grades insignifiants, des degrés de science frivole ou d’ancienneté banale, une série d’initiations dont les rites bizarres amusent leur curiosité sans éclairer leurs esprits. Ils croient tout savoir et ne savent rien.

— À quoi servent-ils ? dit Consuelo, qui écoutait attentivement.

— À protéger l’exercice et la liberté du travail de ceux qui comprennent et qui savent, répondit l’initiateur. Ceci te sera expliqué. Écoute d’abord ce que nous attendons de toi.

« L’Europe (l’Allemagne et la France principalement) est remplie de sociétés secrètes, laboratoires souterrains où se prépare une grande révolution, dont le cratère sera l’Allemagne ou la France. Nous avons la clef, et nous tentons d’avoir la direction, de toutes ces associations, à l’insu de la plus grande partie de leurs membres, et à l’insu les unes des autres. Quoique notre but ne soit pas encore atteint, nous avons réussi à mettre le pied partout, et les plus éminents, parmi ces divers affiliés, sont à nous et secondent nos efforts. Nous te