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tions. Auras-tu assez de foi pour marcher les yeux fermés sur le bord d’un abîme ?

— Dans la pratique du catholicisme, j’ai fait ainsi dans mon enfance, répondit Consuelo après un instant de réflexion. J’ai ouvert mon cœur et abandonné la direction de ma conscience à un prêtre dont je ne voyais pas les traits derrière le voile du confessionnal, et dont je ne savais ni le nom ni la vie. Je ne voyais en lui que le sacerdoce, l’homme ne m’était rien. J’obéissais au Christ, je ne m’inquiétais pas du ministre. Pensez-vous que cela soit bien difficile ?

— Lève donc la main à présent, si tu persistes.

— Attendez, dit Consuelo. Votre réponse déciderait de ma vie ; mais me permettez-vous de vous interroger une seule, une première et dernière fois ?

— Tu le vois ! déjà tu hésites, déjà tu cherches des garanties ailleurs que dans ton inspiration spontanée et dans l’élan de ton cœur vers l’idée que nous représentons. Parle cependant. La question que tu veux nous faire nous éclairera sur tes dispositions.

— La voici. Albert est-il initié à tous vos secrets ?

— Oui.

— Sans restriction aucune ?

— Sans restriction aucune.

— Et il marche avec vous ?

— Dis plutôt que nous marchons avec lui. Il est une des lumières de notre conseil, la plus pure, la plus divine peut-être.

— Que ne me disiez-vous cela d’abord ? Je n’eusse pas hésité un instant. Conduisez-moi où vous voudrez, disposez de ma vie. Je suis à vous, et je le jure.

— Tu étends la main ! mais sur quoi jures-tu ?

— Sur le Christ dont je vois l’image ici.

— Qu’est-ce que le Christ ?