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raient ; il lui semblait impossible que Liverani pût l’y découvrir.

Après avoir marché fort longtemps au hasard, elle se trouva au bas d’une colline parsemée de rochers, dont la silhouette incertaine se dessinait sur un ciel gris et voilé. Un vent d’orage assez frais s’était élevé, et la pluie commençait à tomber. Consuelo, n’osant revenir sur ses pas, dans la crainte que Liverani n’eût retrouvé sa trace et ne la cherchât sur les rives du ruisseau, se hasarda dans le sentier un peu rude de la colline. Elle s’imagina qu’arrivée au sommet, elle découvrirait les lumières du château, quelle qu’en fût la position. Mais lorsqu’elle y fut arrivée dans les ténèbres, les éclairs, qui commençaient à embraser le ciel, lui montrèrent devant elle les ruines d’un vaste édifice, imposant et mélancolique débris d’un autre âge.

La pluie força Consuelo d’y chercher un abri, mais elle le trouva avec peine. Les tours étaient effondrées du haut en bas, à l’intérieur, et des nuées de gerfauts et de tiercelets s’y agitèrent à son approche, en poussant ce cri aigu et sauvage qui semble la voix des esprits de malheur, habitants des ruines.

Au milieu des pierres et des ronces, Consuelo, traversant la chapelle découverte qui dessinait, à la lueur bleuâtre des éclairs, les squelettes de ses ogives disloquées, gagna le préau, dont un gazon court et uni recouvrait le nivellement ; elle évita un puits profond qui ne se trahissait à la surface du sol que par le développement de ses riches capillaires et d’un superbe rosier sauvage, tranquille possesseur de sa paroi intérieure. La masse de constructions ruinées qui entouraient ce préau abandonné offrait l’aspect le plus fantastique ; et, au passage de chaque éclair, l’œil avait peine à comprendre ces spectres grêles et déjetés, toutes ces formes incohérentes