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forcée de s’appuyer sur le bras du confesseur pour sortir de l’oratoire.


XXIX.

Le lendemain le rouge-gorge vint à midi frapper du bec et de l’ongle à la croisée de Consuelo. Au moment de lui ouvrir, elle remarqua le fil noir croisé sur sa poitrine orangée, et un élan involontaire lui fit porter la main à l’espagnolette. Mais elle la retira aussitôt. « Va-t’en, messager de malheur, dit-elle, va-t’en, pauvre innocent, porteur de lettres coupables et de paroles criminelles. Je n’aurais peut-être pas le courage de ne pas répondre à un dernier adieu. Je ne dois pas même laisser connaître que je regrette et que je souffre. »

Elle s’enfuit dans le salon de musique, afin d’échapper au tentateur ailé qui, habitué à une meilleure réception, voltigeait et se heurtait au vitrage avec une sorte de colère. Elle se mit au clavecin pour ne pas entendre les cris et les reproches de son favori qui l’avait suivie à la fenêtre de cette pièce, et elle éprouvait quelque chose de semblable à l’angoisse d’une mère qui ferme l’oreille aux plaintes et aux prières de son enfant en pénitence. Ce n’était pourtant pas au dépit et au chagrin du rouge-gorge que la pauvre Consuelo était le plus sensible dans ce moment. Le billet qu’il apportait sous son aile avait une voix bien plus déchirante ; c’était cette voix qui semblait, à notre recluse romanesque, pleurer et se lamenter pour être écoutée.

Elle résista pourtant ; mais il est de la nature de l’amour de s’irriter des obstacles et de revenir à l’assaut, toujours plus impérieux et plus triomphant après chacune de nos victoires. On pourrait dire, sans métaphore, que lui résister, c’est lui fournir de nouvelles armes.