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— Entièrement.

— Mais tu es veuve ?

— Je crois l’être.

— Et si tu ne l’étais pas ?

— Je combattrais mon amour et je ferais mon devoir.

— Avec regret ? avec douleur ?

— Avec désespoir peut-être. Mais je le ferais.

— Tu n’as donc pas aimé celui qui a été ton époux ?

— Je l’ai aimé d’amitié fraternelle ; j’ai fait tout mon possible pour l’aimer d’amour.

— Et tu ne l’as pas pu ?

— Maintenant que je sais ce que c’est qu’aimer, je puis dire non.

— N’aie donc pas de remords ; l’amour ne s’impose pas. Tu crois aimer ce Liverani ? sérieusement, religieusement, ardemment ?

— Je sens tout cela dans mon cœur, à moins qu’il n’en soit indigne !…

— Il en est digne.

— Ô mon père ! s’écria Consuelo transportée de reconnaissance et prête à s’agenouiller devant le vieillard.

— Il est digne d’un amour immense autant qu’Albert lui-même ! mais il faut renoncer à lui.

— C’est donc moi qui n’en suis pas digne ? répondit Consuelo douloureusement.

— Tu en serais digne, mais tu n’es pas libre. Albert de Rudolstadt est vivant.

— Mon Dieu ! pardonnez-moi ! » murmura Consuelo en tombant à genoux et en cachant son visage dans ses mains.

Le confesseur et la pénitente gardèrent un douloureux silence. Mais bientôt Consuelo, se rappelant les accusations de Supperville, fut pénétrée d’horreur. Ce vieillard