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qu’elle fondit en larmes. Elle venait de renoncer à la virginité de son âme.

« Pourquoi pleures-tu ? reprit le confesseur avec douceur. Est-ce de honte ou de repentir ?

— Je ne sais. Il me semble que ce n’est pas de repentir ; j’aime trop pour cela.

— Qui aimes-tu ?

— Vous le savez, moi je ne le sais pas.

— Mais si je l’ignorais ! Son nom ?

— Liverani.

— Ce n’est le nom de personne. Il est commun à tous ceux de nos adeptes qui veulent le porter et s’en servir : c’est un nom de guerre, comme tous ceux que la plupart de nous portent dans leurs voyages.

— Je ne lui en connais pas d’autres, et ce n’est pas de lui que je l’ai appris.

— Son âge ?

— Je ne le lui ai pas demandé.

— Sa figure ?

— Je ne l’ai pas vue.

— Comment le reconnaîtrais-tu ?

— Il me semble qu’en touchant sa main je le reconnaîtrais.

— Et si l’on remettait ton sort à cette épreuve, et que tu vinsses à te tromper ?

— Ce serait horrible.

— Frémis donc de ton imprudence, malheureuse enfant ! ton amour est insensé.

— Je le sais bien.

— Et tu ne le combats pas dans ton cœur ?

— Je n’en ai pas la force.

— En as-tu le désir ?

— Pas même le désir.

— Ton cœur est donc libre de toute autre affection ?