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portera plus la main sur toi. Tu n’auras d’autre gardien que ta parole. »

Consuelo se trouva dans un cabinet voûté et éclairé d’une seule petite lampe sépulcrale suspendue à la clef pendante du milieu. Un seul juge, en robe rouge et en masque livide, était assis sur un antique fauteuil auprès d’une table. Il était voûté par l’âge ; quelques mèches argentées s’échappaient de dessous sa toque. Sa voix était cassée et tremblante. L’aspect de la vieillesse changea en respectueuse déférence la crainte dont ne pouvait se défendre Consuelo à l’approche d’un Invisible.

« Écoute-moi bien, lui dit-il, en lui faisant signe de s’asseoir sur un escabeau à quelque distance. Tu comparais ici devant ton confesseur. Je suis le plus vieux du conseil, et le calme de ma vie entière m’a rendu l’esprit aussi chaste que le plus chaste des prêtres catholiques. Je ne mens pas. Veux-tu me récuser cependant ? tu es libre.

— Je vous accepte, répondit Consuelo, pourvu, toutefois, que ma confession n’implique pas celle d’autrui.

— Vain scrupule ! reprit le vieillard. Un écolier ne révèle pas à un pédant la faute de son camarade ; mais un fils se hâte d’avertir son père de celle de son frère, parce qu’il sait que le père réprime et corrige sans châtier. Du moins telle devrait être la loi de la famille. Tu es ici dans le sein d’une famille qui cherche la pratique de l’idéal. As-tu confiance ? »

Cette question, assez arbitraire dans la bouche d’un inconnu, fut faite avec tant de douceur et d’un son de voix si sympathique, que Consuelo, entraînée et attendrie subitement, répondit sans hésiter :

« J’ai pleine confiance.

— Écoute encore, reprit le vieillard. Tu as dit, la première fois que tu as comparu devant nous, une parole