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LA COMTESSE
DE RUDOLSTADT

XXV.

La joie qu’elle éprouva de le retrouver comme un ange de consolation dans cette insupportable solitude fit taire tous les scrupules et toutes les craintes qu’elle avait encore dans l’esprit un instant auparavant, en songeant à lui sans espérance prochaine de le revoir. Elle répondit à son étreinte avec passion ; et, comme il tâchait déjà de se dégager de ses bras pour ramasser son masque noir qui était tombé, elle le retint en s’écriant : « Ne me quittez pas, ne m’abandonnez pas ! » Sa voix était suppliante, ses caresses irrésistibles. L’inconnu se laissa tomber à ses pieds, et, cachant son visage dans les plis de sa robe, qu’il couvrit de baisers, il resta quelques instants comme partagé entre le ravissement et le désespoir ; puis, ramassant son masque et glissant une lettre dans la main de Consuelo, il s’élança dans le pavillon, et disparut sans qu’elle eût pu apercevoir ses traits.

Elle le suivit, et, à la lueur d’une petite lampe d’albâtre que Matteus allumait chaque soir au fond de l’escalier, elle espéra le retrouver ; mais, avant qu’elle eût monté quelques marches, il était devenu insaisissable.