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arbres en sifflant, et il s’éloigna sans avoir remarqué Consuelo.

« Dieu soit béni, et les Invisibles aussi, en dépit de Supperville ! se dit-elle. Ce pauvre enfant paraît heureux et mieux portant ; son ange gardien le rouge-gorge est avec lui. Il me semble que c’est aussi pour moi le présage d’une riante destinée. Allons, ne doutons plus de mes protecteurs : la méfiance flétrit le cœur. »

Elle chercha comment elle pourrait occuper son temps d’une manière fructueuse pour se préparer à la nouvelle éducation morale qu’on lui avait annoncée, et elle s’avisa de lire, pour la première fois depuis qu’elle était à ***. Elle entra dans la bibliothèque, sur laquelle elle n’avait encore jeté qu’un coup d’œil distrait, et résolut d’examiner sérieusement le choix des livres qu’on avait mis à sa disposition. Ils étaient peu nombreux, mais extrêmement curieux et probablement fort rares, sinon uniques pour la plupart. C’était une collection des écrits des philosophes les plus remarquables de toutes les époques et de toutes les nations, mais abrégés et réduits à l’essence de leurs doctrines, et traduits dans les diverses langues que Consuelo pouvait comprendre. Plusieurs, n’ayant jamais été publiés en traductions, étaient manuscrits, particulièrement ceux des hérétiques et novateurs célèbres du Moyen Âge, précieuses dépouilles du passé dont les fragments importants, et même quelques exemplaires complets, avaient échappé aux recherches de l’inquisition, et aux dernières violations exercées par les jésuites dans les vieux châteaux hérétiques de l’Allemagne, lors de la guerre de Trente Ans. Consuelo ne pouvait apprécier la valeur de ces trésors philosophiques recueillis par quelque bibliophile ardent, ou par quelque adepte courageux. Les originaux l’eussent intéressée à cause des caractères et des vignettes, mais elle n’en avait sous