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rouge-gorge voltiger dans sa chambre et s’approcher d’elle sans frayeur. Au bout de quelques instants de réserve, il consentit à prendre une mouche dans sa main.

« Est-ce toi, mon pauvre ami, mon fidèle compagnon ? lui disait Consuelo avec des larmes de joie enfantine. Serait-il possible que tu m’eusses cherchée et retrouvée ici ? Non, cela ne se peut. Jolie créature confiante, tu ressembles à mon ami et tu ne l’es pas. Tu appartiens à quelque jardinier, et tu t’es échappé de la serre où tu as passé les jours froids parmi des fleurs toujours belles. Viens à moi, consolateur du prisonnier ; puisque l’instinct de ta race te pousse vers les solitaires et les captifs, je veux reporter sur toi toute l’amitié que j’avais pour ton frère. »

Consuelo jouait sérieusement depuis un quart d’heure avec cette aimable bestiole, lorsqu’elle entendit au-dehors un petit sifflement qui parut faire tressaillir l’intelligente créature. Elle laissa tomber les friandises que lui avait prodiguées sa nouvelle amie, hésita un peu, fit briller ses grands yeux noirs, et tout à coup se détermina à prendre sa volée vers la fenêtre, entraînée par le nouvel avertissement d’une autorité irrécusable. Consuelo la suivit des yeux, et la vit se perdre dans le feuillage. Mais en cherchant à l’y découvrir encore, elle aperçut au fond de son jardin, sur l’autre rive du ruisseau qui le bornait, dans un endroit un peu découvert, un personnage facile à reconnaître malgré la distance. C’était Gottlieb, qui se traînait le long de l’eau d’une manière assez réjouie, en chantant et en essayant de sautiller. Consuelo, oubliant un peu la défense des Invisibles, s’efforça, en agitant son mouchoir à la fenêtre, d’attirer son attention. Mais il était absorbé par le soin de rappeler son rouge-gorge. Il levait la tête vers les