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— Et alors ? que peuvent-ils attendre de moi ? que suis-je dans le monde pour qu’ils aient besoin de m’attirer dans leurs filets ?

— Oui-da ! La comtesse de Rudolstadt ne s’en doute pas ?

— Nullement, monsieur le docteur.

— Vous devez vous rappeler pourtant que mons Cagliostro vous a fait voir feu le comte Albert, votre mari, vivant et agissant ?

— Comment savez-vous cela, si vous n’êtes pas initié aux mystères du monde souterrain dont vous parlez ?

— Vous l’avez raconté à la princesse Amélie de Prusse, qui est un peu bavarde, comme toutes les personnes curieuses. Ignorez-vous, d’ailleurs, qu’elle est fort liée avec le spectre du comte de Rudolstadt ?

— Un certain Trismégiste, à ce qu’on m’a dit !

— Précisément. J’ai vu ce Trismégiste, et il est de fait qu’il ressemble au comte d’une manière surprenante au premier abord. On peut le faire ressembler davantage en le coiffant et en l’habillant comme le comte avait coutume d’être, en lui rendant le visage blême, et en lui faisant étudier l’allure et les manières du défunt. Comprenez-vous maintenant ?

— Moins que jamais. Quel intérêt aurait-on à faire passer cet homme pour le comte Albert ?

— Que vous êtes simple et loyale ! Le comte Albert est mort, laissant une grande fortune, qui va tomber en quenouille, des mains de la chanoinesse Wenceslawa à celles de la petite baronne Amélie, cousine du comte Albert, à moins que vous ne fassiez valoir vos droits à un douaire ou à une jouissance viagère. On tâchera d’abord de vous y décider…

— Il est vrai, s’écria Consuelo ; vous m’éclairez sur le sens de certaines paroles !