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revoyait la guerre des hussites. Toutes ses facultés paraissaient troublées ; son âme était comme celle du Christ sur le Calvaire.

Je souffrais beaucoup, en le voyant tant souffrir : Spartacus était ferme comme un homme qui consulte les oracles.

« Seigneur ! Seigneur ! s’écria le prophète après avoir longtemps pleuré et gémi, ayez pitié de nous. Nous sommes dans votre main, faites de nous ce que vous voudrez. »

En prononçant ces dernières paroles, Trismégiste étendit ses mains pour chercher celles de sa femme et de son fils, comme s’il eût été instantanément privé de la vue.

Les petites filles vinrent se presser tout effrayées sur son cœur, et ils restèrent tous enlacés dans le plus profond silence. Les traits de la Zingara exprimaient la terreur, et le jeune Zdenko interrogeait avec effroi les regards de sa mère. Spartacus ne les voyait pas. La vision du poëte se peignait-elle encore devant ses yeux ? Enfin, il se rapprocha du groupe, et la Zingara lui fit signe de ne pas réveiller son mari. Il avait les yeux ouverts et fixes devant lui, soit qu’il dormît à la manière des somnambules, soit qu’il vît s’effacer lentement à l’horizon les rêves qui l’avaient agité. Au bout d’un quart d’heure, il respira fortement, ses yeux s’animèrent, et il rapprocha de son sein sa femme et son fils, qu’il y tint longtemps embrassés.

Puis il se leva, et fit signe qu’il désirait se remettre en route.

« Le soleil est bien chaud pour toi à cette heure, lui dit la Consuelo ; ne préfères-tu pas faire la sieste sous ces arbres ?

— Ce soleil est bon, répondit-il avec un sourire