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mêmes qu’il n’y a pas d’électricité sans chaleur et sans lumière, et réciproquement, en un mot, ils voient là trois en un, ce qu’ils ne veulent pas admettre de Dieu ! »

Il commença alors à nous parler de la nature et de la nécessité de rattacher tous ces phénomènes à une loi générale.

« La vie, disait-il, est une ; il n’y a qu’un acte de la vie. Il s’agit seulement de comprendre comment tous les êtres particuliers vivent par la grâce et l’intervention de l’Être universel sans être pour cela absorbés en lui. »

J’aurais été enchanté, pour mon compte, de l’entendre développer ce grand sujet. Mais depuis quelque temps Spartacus paraissait faire moins d’attention à ses paroles. Ce n’est pas qu’il n’y prît intérêt : mais la tension d’esprit du vieillard ne durerait pas toujours, et il voulait en profiter en le ramenant à son sujet favori.

Rudolstadt s’aperçut de cette sorte d’impatience.

« Tu ne me suis plus, lui dit-il ; est-ce que la science de la nature te paraîtrait inabordable de la façon que je l’entends ? Si c’est là ce que tu penses, tu te trompes. Je fais autant de cas que toi des travaux actuels des savants, tournés uniquement vers l’expérimentation. Mais, en continuant dans cette direction, on ne fera pas de la science, on ne fera que des nomenclatures. Je ne suis pas, au surplus, le seul à le croire. J’ai connu en France un philosophe que j’ai beaucoup aimé, Diderot, qui s’écriait souvent, à propos de l’entassement des matériaux scientifiques sans idée générale : c’est tout au plus une œuvre de tailleur de pierres, mais je ne vois là ni un édifice, ni un architecte. Sache donc que tôt ou tard la doctrine aura affaire avec les sciences naturelles ; il faudra bâtir avec ces pierres. Et puis, crois-tu que les physiciens puissent aujourd’hui véritablement com-