Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311

tinée à détruire afin d’abord qu’elle détruise (car pour détruire, il faut être, toute vie est positive), et ensuite pour que de l’œuvre de destruction renaisse un jour ce qui doit renaître.

— Je t’entends, tu bornes beaucoup ma mission. N’importe : petite ou grande, je l’accepte.

— Tout ce qui est dans les conseils de Dieu est grand. Sache une chose qui doit être la règle de ton âme. Rien ne se perd. Ton nom et la forme de tes œuvres disparaîtraient, tu travaillerais sans nom comme moi, que ton œuvre ne serait pas perdue. La balance divine est la mathématique même ; et dans le creuset du divin chimiste, tous les atomes sont comptés à leur exacte valeur.

— Puisque tu approuves mes desseins, enseigne-moi donc, et ouvre-moi la route. Que faut-il faire ? Comment faut-il agir sur les hommes ? Est-ce surtout par l’imagination qu’il faut les prendre ? Faut-il profiter de leur faiblesse et de leur penchant pour le merveilleux ? Tu as vu toi-même qu’on peut faire du bien avec le merveilleux !…

— Oui, mais j’ai vu aussi tout le mal qu’on peut faire. Si tu savais bien la doctrine, tu saurais à quelle époque de l’humanité nous vivons, et tu conformerais tes moyens d’action à ton temps.

— Enseigne-moi donc la doctrine, enseigne-moi la méthode pour agir, enseigne-moi la certitude.

— Tu demandes la méthode et la certitude à un artiste, à un homme que les hommes ont accusé de folie, et persécuté sous ce prétexte ! Il semble que tu t’adresses mal ; va demander cela aux philosophes, aux savants.

— C’est à toi que je m’adresse. Eux, je sais ce que vaut leur science.

— Eh bien, puisque tu insistes, je te dirai que la méthode est identique avec la doctrine même, parce