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et amour divin, devint tout à coup le plus raisonnable des philosophes, au point de nous guider dans la voie de la vraie méthode et de la certitude. Spartacus, de son côté, laissait voir toute l’ardeur de son âme. L’un était l’homme complet, en qui toutes les facultés sont à l’unisson ; l’autre était comme un néophyte plein d’enthousiasme. Je me rappelai l’Évangile, où il est dit que Jésus s’entretint sur la montagne avec Moïse et les Prophètes.

« Oui, disait Spartacus, je me sens une mission. Je me suis approché de ceux qui gouvernent la terre, et j’ai été frappé de leur stupidité, de leur ignorance, et de leur dureté de cœur. Oh ! que la Vie est belle, que la Nature est belle, que l’Humanité est belle ! Mais que font-ils de la Vie, de la Nature, et de l’Humanité !… Et j’ai pleuré longtemps en voyant et moi, et les hommes mes frères, et toute l’œuvre divine, esclaves de pareils misérables !… Et quand j’ai eu longtemps gémi comme une faible femme, je me suis dit : Qui m’empêche de m’arracher de leurs chaînes et de vivre libre ?… Mais après une phase de stoïcisme solitaire, j’ai vu qu’être libre seul, ce n’est pas être libre. L’homme ne peut pas vivre seul. L’homme a l’homme pour objet ; il ne peut pas vivre sans son objet nécessaire. Et je me suis dit : je suis encore esclave, délivrons mes frères… Et j’ai trouvé de nobles cœurs qui se sont associés à moi… et mes amis m’appellent Spartacus.

— Je t’avais bien dit que tu ne ferais que détruire ! répondit le vieillard. Spartacus fut un esclave révolté. Mais n’importe, encore une fois. Organise pour détruire. Qu’une société secrète se forme à ta voix pour détruire la forme actuelle de la grande iniquité. Mais si tu la veux forte, efficace, puissante, mets le plus que tu pourras de principes vivants, éternels, dans cette société des-