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les champs et qui émonde les arbres ; c’est elle qui conduit les troupeaux en chantant les plus beaux airs ; c’est elle qui voit poindre l’aube et qui reçoit le premier sourire du soleil, la bonne déesse de la pauvreté !

« C’est elle qui bâtit de rameaux verts la cabane du bûcheron, et qui donne au braconnier le regard de l’aigle ; c’est elle qui élève les plus beaux marmots et qui rend la charrue et la bêche légères aux mains du vieillard, la bonne déesse de la pauvreté !

« C’est elle qui inspire le poëte et qui rend le violon, la guitare et la flûte éloquents sous les doigts de l’artiste vagabond ; c’est elle qui le porte sur son aile légère de la source de la Moldau à celle du Danube ; c’est elle qui couronne ses cheveux des perles de la rosée, et qui fait briller pour lui les étoiles plus larges et plus claires, la déesse, la bonne déesse de la pauvreté.

« C’est elle qui instruit l’artisan ingénieux et qui lui apprend à couper la pierre, à tailler le marbre, à façonner l’or et l’argent, le cuivre et le fer ; c’est elle qui rend, sous les doigts de la vieille mère et de la jeune fille, le lin souple et fin comme un cheveu, la bonne déesse de la pauvreté !

« C’est elle qui soutient la chaumière ébranlée par l’orage ; c’est elle qui ménage la résine de la torche et l’huile de la lampe ; c’est elle qui pétrit le pain de la famille et qui tisse les vêtements d’hiver et d’été ; c’est elle qui nourrit et alimente le monde, la bonne déesse de la pauvreté !

« C’est elle qui a bâti les grands châteaux et les vieilles cathédrales ; c’est elle qui porte le sabre et le fusil ; c’est elle qui fait la guerre et les conquêtes ; c’est elle qui ramasse les morts, qui soigne les blessés et qui cache le vaincu, la bonne déesse de la pauvreté !

« Tu es de toute douceur, toute patience, toute force