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d’étoiles, torrents vagabonds, forêts impénétrables, laissez-la, laissez-la passer, la bonne déesse, la déesse de la pauvreté !

« Depuis que le monde existe, depuis que les hommes ont été produits, elle traverse le monde, elle habite parmi les hommes, elle voyage en chantant, ou elle chante en travaillant, la déesse, la bonne déesse de la pauvreté !

« Quelques hommes se sont assemblés pour la maudire. Ils l’ont trouvée trop belle et trop gaie, trop agile et trop forte. Arrachons ses ailes, ont-ils dit ; donnons-lui des chaînes, brisons-la de coups, et qu’elle souffre, et qu’elle périsse, la déesse de la pauvreté !

« Ils ont enchaîné la bonne déesse, ils l’ont battue et persécutée ; mais ils n’ont pu l’avilir : elle s’est réfugiée dans l’âme des poëtes, dans l’âme des paysans, dans l’âme des artistes, dans l’âme des martyrs, et dans l’âme des saints, la bonne déesse, la déesse de la pauvreté !

« Elle a marché plus que le Juif errant ; elle a voyagé plus que l’hirondelle ; elle est plus vieille que la cathédrale de Prague, et plus jeune que l’œuf du roitelet ; elle a plus pullulé sur la terre que les fraises dans le Bœhmerwald, la déesse, la bonne déesse de la pauvreté !

« Elle a eu beaucoup d’enfants, et elle leur a enseigné le secret de Dieu ; elle a parlé au cœur de Jésus sur la montagne ; aux yeux de la reine Libussa lorsqu’elle s’enamoura d’un laboureur ; à l’esprit de Jean et de Jérôme sur le bûcher de Constance : elle en sait plus que tous les docteurs et tous les évêques, la bonne déesse de la pauvreté !

« Elle fait toujours les plus grandes et les plus belles choses que l’on voit sur la terre ; c’est elle qui cultive