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« Amis, nous dit Albert en terminant, voyez ces hommes simples ! ils ont parfaitement compris ce que j’ai voulu leur dire ; ils ne me demandent pas, comme vous le faisiez hier, le sens de mes prophéties.

— Tu ne leur as pourtant parlé que du passé, dit Spartacus, avide de ses paroles.

— Le passé, l’avenir, le présent ! quelles vaines subtilités ! reprit Trismégiste en souriant ; l’homme ne les porte-t-il pas tous les trois dans son cœur, et son existence n’est-elle pas tout entière de ce triple milieu ? Mais, puisqu’il vous faut absolument des mots pour peindre vos idées, écoutez mon fils ; il va vous chanter un cantique dont sa mère a fait la musique, et moi les vers. »

Le bel adolescent s’avança, d’un air calme et modeste, au milieu du cercle. On voyait que sa mère, sans croire caresser une faiblesse, s’était dit que, par droit et peut-être aussi par devoir, il fallait respecter et soigner la beauté de l’artiste. Elle l’habille avec une certaine recherche ; ses cheveux superbes sont peignés avec soin, et les étoffes de son costume agreste sont d’une couleur plus vive et d’un tissu plus léger que ceux du reste de la famille. Il ôta sa toque, salua ses auditeurs d’un baiser envoyé collectivement du bout des doigts, auquel cent baisers envoyés de même répondirent avec effusion ; et, après que sa mère eut préludé sur la guitare avec un génie particulier empreint de la couleur méridionale, il se mit à chanter, accompagné par elle, les paroles suivantes, que je traduis pour vous du slave, et dont ils ont bien voulu me laisser noter aussi le chant admirable :

LA BONNE DÉESSE DE LA PAUVRETÉ,
BALLADE.

« Chemins sablés d’or, landes verdoyantes, ravins aimés des chamois, grandes montagnes couronnées