Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291

improvisés, gardant toutes les issues de notre gîte.

« Pardonnez-nous, me dit le chef de la famille avec calme, d’avoir appelé tous nos parents et nos amis, avec leurs fléaux et leurs faux, pour vous retenir ici malgré vous. Vous serez libres ce soir. » Et comme nous nous étonnions de cette violence : « Si vous êtes d’honnêtes gens, reprit notre hôte d’un air grave, si vous comprenez l’amitié et le dévouement, vous ne serez point en colère contre nous. Si, au contraire, vous êtes des fourbes et des espions envoyés ici pour persécuter et enlever notre Podiebrad, nous ne le souffrirons pas, et nous ne vous laisserons sortir que quand il sera bien loin, hors de vos atteintes. »

Nous comprîmes que la méfiance était venue dans la nuit à ces honnêtes gens, d’abord si expansifs avec nous, et nous ne pûmes qu’admirer leur sollicitude. Mais le maître était désespéré de perdre de vue ce précieux hiérophante que nous étions venus chercher avec tant de peine et si peu de chances de succès. Il prit le parti d’écrire à Trismégiste dans le chiffre maçonnique, de lui dire son nom, sa position, de lui faire pressentir ses desseins, et d’invoquer sa loyauté pour nous soustraire à la méfiance des paysans. Peu d’instants après que cette lettre eut été portée à la chaumière voisine, nous vîmes arriver une femme devant laquelle les paysans ouvrirent avec respect leur phalange hérissée d’armes rustiques. Nous les entendîmes murmurer : la Zingara ! la Zingara de consolation ! Et bientôt cette femme entra dans la chaumière avec nous, et, fermant les portes derrière elle, se mit à nous interroger par les signes et les formules de la maçonnerie écossaise, avec une sévérité scrupuleuse. Nous étions fort surpris de voir une femme initiée à ces mystères qu’aucune autre n’a jamais possédés que je sache ; et l’air imposant, le