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reconduisirent au pavillon par les mêmes détours souterrains qu’elle avait suivis pour s’en éloigner.


XXVII.

La Porporina n’ayant plus sujet, d’après le langage bienveillant et paternel des Invisibles, d’être sérieusement inquiète du chevalier, et jugeant que Matteus n’avait pas vu très-clair dans cette affaire, éprouva en quittant ce mystérieux conciliabule, un grand soulagement d’esprit. Tout ce qu’on venait de lui dire flottait dans son imagination comme des rayons derrière un nuage ; et l’inquiétude ni l’effort de la volonté ne la soutenant plus, elle éprouva bientôt en marchant une fatigue insurmontable. La faim se fit sentir assez cruellement, le capuchon gommé l’étouffait. Elle s’arrêta plusieurs fois, fut forcée d’accepter les bras de ses guides pour continuer sa route, et, en arrivant dans sa chambre, elle tomba en faiblesse. Peu d’instants après, elle se sentit ranimée par un flacon qui lui fut présenté, et par l’air bienfaisant qui circulait dans l’appartement. Alors elle remarqua que les hommes qui l’avaient ramenée sortaient à la hâte, tandis que Matteus s’empressait de servir un souper des plus appétissants, et que le petit docteur masqué, qui l’avait mise en léthargie pour l’amener à cette résidence, lui tâtait le pouls et lui prodiguait ses soins. Elle le reconnaissait facilement à sa perruque, et à sa voix qu’elle avait entendue quelque part, sans pouvoir dire en quelle circonstance.

« Cher docteur, lui dit-elle en souriant, je crois que la meilleure prescription sera de me faire souper bien vite. Je n’ai pas d’autre mal que la faim ; mais je vous supplie de m’épargner cette fois le café que vous faites si bien.