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voici prête à m’accuser des torts qu’on lui impute, et c’est pour cela que j’ai demandé à comparaître devant vous.

— Est-ce une confession sincère et détaillée que tu offres de nous faire ?

— S’il le faut pour qu’il soit absous… quoique ce soit, pour une femme, une étrange torture morale que de se confesser hautement devant huit hommes…

— Épargne-toi cette humiliation. Nous n’aurions aucune garantie de ta sincérité, et d’ailleurs nous n’avions encore tout à l’heure aucun droit sur toi. Ce que tu as dit, ce que tu as pensé il y a une heure, rentre pour nous dans ton passé. Mais songe qu’à partir de cet instant nous sommes les maîtres de sonder les plus secrets replis de ton âme. C’est à toi de garder cette âme assez pure pour être toujours prête à nous la dévoiler sans souffrance et sans honte.

— Votre générosité est délicate et paternelle. Mais il ne s’agit pas de moi seule ici. Un autre expie mes torts. Ne dois-je pas le justifier ?

— Ce soin ne te regarde pas. S’il est un coupable parmi nous, il se disculpera lui-même, non par de vaines défaites et de téméraires allégations, mais par des actes de courage, de dévouement et de vertu. Si son âme a chancelé, nous la relèverons et nous l’aiderons à se vaincre. Tu parles de châtiment rigoureux ; nous n’infligeons que des châtiments moraux. Cet homme, quel qu’il soit, est notre égal, notre frère ; il n’y a chez nous ni maîtres, ni serviteurs, ni sujets, ni princes : de faux rapports t’ont sans doute abusée. Va en paix et ne pèche point. »

À ce dernier mot, l’examinateur agita une sonnette ; les deux hommes noirs masqués et armés rentrèrent, et, replaçant le capuchon sur la tête de Consuelo, ils la