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car vous autres, vous ne portez par le nom de vos maris ?

— Il s’appelle Liverani.

— C’est cela. Eh bien, mon enfant, je suis désolée de vous savoir mariée à un pareil misérable. Ce Liverani est en effet un chevalier d’industrie ou un fou qui, grâce à une ressemblance parfaite, veut se faire passer pour un comte de Rudolstadt, mort il y a plus de dix ans, le fait est avéré. Il s’est introduit auprès d’une vieille chanoinesse de Rudolstadt, dont il ose se dire le neveu, et dont, à coup sûr, il eût capté l’héritage, si, au moment de faire son testament en sa faveur, la pauvre dame, tombée en enfance, n’eût été délivrée de son obsession par des gens de bien dévoués à sa famille. On l’a arrêté, et on a fort bien fait. Je conçois votre chagrin, mais je n’y puis porter remède. On instruit le procès. S’il est reconnu que cet homme, comme je voudrais le croire, est aliéné, on le placera dans un hôpital, où vous pourrez le voir et le soigner. Mais s’il n’est qu’un escamoteur, comme je le crains, il faudra bien le détenir un peu plus sévèrement, pour l’empêcher de troubler la possession de la véritable héritière des Rudolstadt, une baronne Amélie, je crois, qui, après quelques travers de jeunesse, est sur le point de se marier avec un de mes officiers. J’aime à me persuader, mademoiselle, que vous ignorez la conduite de votre mari, et que vous vous faites illusion sur son caractère : autrement je trouverais vos instances très-déplacées. Mais je vous plains trop pour vouloir vous humilier… Vous pouvez vous retirer. »

Consuelo vit qu’elle n’avait rien à espérer, et qu’en essayant de faire constater l’identité de Liverani et d’Albert de Rudolstadt, elle rendait sa cause de plus en plus mauvaise. Elle se releva et marcha vers la porte, pâle et prête à s’évanouir. Marie-Thérèse, qui la suivait