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devient aussi sacrée, aussi de droit divin que la liberté individuelle. Vous voyez bien qu’il y a là un miracle, et que Dieu s’en réserve à jamais le mystère, comme celui de la vie et de la mort. Vous allez demander à cet homme et à cette femme s’ils veulent s’appartenir exclusivement l’un à l’autre dans cette vie ; et leur ferveur est telle qu’ils vous répondront : « Non pas seulement dans cette vie, mais dans l’éternité. » Dieu leur inspire donc, par le miracle de l’amour, bien plus de foi, bien plus de force, bien plus de vertu que vous ne sauriez et que vous n’oseriez leur en demander. Arrière donc les serments sacrilèges et les lois grossières ! Laissez-leur l’idéal, et ne les attachez pas à la réalité par les chaînes de la loi. Laissez à Dieu le soin de continuer le miracle. Préparez les âmes à ce que ce miracle s’accomplisse en elles, formez-les à l’idéal de l’amour ; exhortez, instruisez, vantez et démontrez la gloire de la fidélité, sans laquelle il n’est point de force morale ni d’amour sublime. Mais n’intervenez pas, comme des prêtres catholiques, comme des magistrats du vieux monde, dans l’exécution du serment. Car, je vous le dis encore une fois, les hommes ne peuvent pas se porter garants ni se constituer gardiens de la perpétuité d’un miracle. Que savez-vous des secrets de l’Éternel ! Sommes- nous déjà entrés dans ce temple de l’avenir, dans ce monde céleste où l’homme doit, nous dit-on, converser avec Dieu sous les ombrages sacrés, comme un ami avec son ami ! La loi du mariage indissoluble est-elle donc émanée de la bouche du Seigneur ? Ses desseins, à cet égard, sont-ils proclamés sur la terre ? Et vous-mêmes, ô enfants des hommes, l’avez-vous promulguée, cette loi, d’un accord unanime ? Les pontifes de Rome n’ont-ils jamais brisé l’union conjugale, eux qui se prétendent infaillibles ? Sous prétexte de nullité dans de certains