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chets de votre frivole et craintive existence. Explique-toi donc sans détour devant nous qui sommes les appuis, la famille et la loi vivante de tout être libre. Nous ne t’écouterons pas, que nous ne sachions en quelle qualité tu comparais ici. Est-ce la zingarella Consuelo, est-ce la comtesse de Rudolstadt qui nous invoque ?

— La comtesse de Rudolstadt, ayant renoncé à tous ses droits dans la société, n’en a aucun à réclamer ici. La zingarella Consuelo…

— Arrête, et pèse les paroles que tu viens de dire. Si ton époux était vivant, aurais-tu le droit de lui retirer ta foi, d’abjurer son nom, de repousser sa fortune, en un mot, de redevenir la zingarella Consuelo, pour ménager l’orgueil puéril et insensé de sa famille et de sa caste ?

— Non sans doute.

— Et penses-tu donc que la mort ait rompu à jamais vos liens ? ne dois-tu à la mémoire d’Albert ni respect, ni amour, ni fidélité ? »

Consuelo rougit et se troubla, puis elle redevint pâle. L’idée qu’on allait, comme Cagliostro et le comte de Saint-Germain, lui parler de la résurrection possible d’Albert, et même lui en montrer le fantôme, la remplit d’une telle frayeur, qu’elle ne put répondre.

« Épouse d’Albert Podiebrad, reprit l’examinateur, ton silence t’accuse. Albert est mort tout entier pour toi, et ton mariage n’est à tes yeux qu’un incident de ta vie aventureuse, sans aucune conséquence, sans aucune obligation pour l’avenir. Zingara, tu peux te retirer. Nous ne nous sommes intéressés à ton sort qu’en raison de tes liens avec le plus excellent des hommes. Tu n’étais pas digne de notre amour, car tu ne fus pas digne du sien. Nous ne regrettons pas la liberté que nous t’avons rendue ; toute réparation des maux qu’inflige le despo-