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naître sur moi d’autres droits que ceux que je vous aurai librement donnés, et à ne me soumettre qu’à une autorité paternelle. La vôtre ne le serait pas si elle brisait mon mariage sans l’assentiment de mon époux et sans le mien. Ce droit, ni lui ni moi ne vous l’avons donné.

— Tu te trompes, ma fille : Albert nous a donné le droit de disposer de son sort et du tien ; et toi-même tu nous l’as donné aussi en nous ouvrant ton cœur, et en nous confessant ton amour pour un autre.

— Je ne vous ai rien confessé, répondit Consuelo, et je renie l’aveu que vous voulez m’arracher.

— Introduisez la sibylle », dit l’orateur à Marcus.

Une femme de haute taille, toute drapée de blanc, et la figure cachée sous son voile, entra et s’assit au milieu du demi-cercle formé par les juges. À son tremblement nerveux, Consuelo reconnut facilement Wanda.

« Parle, prêtresse de la vérité, dit l’orateur ; parle, interprète et révélatrice des plus intimes secrets, des plus délicats mouvements du cœur. Cette femme est-elle l’épouse d’Albert de Rudolstadt ?

— Elle est son épouse fidèle et respectable, répondit Wanda ; mais, dans ce moment, vous devez prononcer son divorce. Vous voyez bien par qui elle est amenée ici ; vous voyez bien que celui de nos enfants dont elle tient la main, est l’homme qu’elle aime et à qui elle doit appartenir, en vertu du droit imprescriptible de l’amour dans le mariage. »

Consuelo se retourna avec surprise vers Liverani, et regarda sa propre main, qui était engourdie et comme morte dans la sienne. Elle semblait être sous la puissance d’un rêve et faire des efforts pour se réveiller. Elle se détacha enfin avec énergie de cette étreinte, et regardant le creux de sa main, elle y vit l’empreinte de la croix de sa mère.