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les athées, il n’y a place pour nous au soleil qu’au milieu des persécutions, des railleries, de la haine et des mépris de l’espèce humaine ? Sais-tu qu’en France, à l’heure qu’il est, on proscrit presque également Rousseau et Voltaire, le philosophe religieux et le philosophe incrédule ? Sais-tu, chose plus effrayante et plus inouïe ! que, du fond de leur exil, ils se proscrivent l’un l’autre ? Sais-tu que tu vas retourner dans un monde où tout conspirera pour ébranler ta foi et pour corrompre tes pensées ? Sais-tu enfin qu’il faudra exercer ton apostolat à travers les périls, les doutes, les déceptions et les souffrances ?

— J’y suis résolue, répondit Consuelo en baissant les yeux et en posant la main sur son cœur : Dieu me soit en aide !

— Eh bien, ma fille, dit Marcus, qui tenait toujours Consuelo par la main, tu vas être soumise par nous à quelques souffrances morales, non pour éprouver ta foi, dont nous ne saurions douter maintenant, mais pour la fortifier. Ce n’est pas dans le calme du repos, ni dans les plaisirs de ce monde, c’est dans la douleur et les larmes que la foi grandit et s’exalte. Te sens-tu le courage d’affronter de pénibles émotions et peut-être de violentes terreurs ?

— S’il le faut, et si mon âme doit en profiter, je me soumets à votre volonté, » répondit Consuelo légèrement oppressée.

Aussitôt les Invisibles se mirent à enlever les tapis et les flambeaux qui entouraient le cercueil. Le cercueil fut roulé dans une des profondes embrasures de croisées, et plusieurs adeptes, s’étant armés de barres de fer, se hâtèrent de lever une dalle ronde qui occupait le milieu de la salle. Consuelo vit alors une ouverture circulaire assez large pour le passage d’une personne, et dont la