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— Vous me demandez le mot d’Hiram, la parole perdue. Ce n’est point celle qui m’ouvrira les portes du temple ; car ce mot, c’est tyrannie ou mensonge. Mais je sais les mots véritables, les noms des trois portes de l’édifice divin par lesquels les destructeurs d’Hiram entrèrent pour forcer ce chef à s’ensevelir sous les débris de son œuvre ; c’est liberté, fraternité, égalité.

— Consuelo, ton interprétation, exacte ou non, nous révèle le fond de ton cœur. Sois donc dispensée de t’agenouiller jamais sur la tombe d’Hiram. Tu ne passeras pas non plus par le grade où le néophyte se prosterne sur le simulacre des cendres de Jacques Molay, le grand maître et la grande victime du temple, des moines-soldats et des prélats-chevaliers du Moyen Âge. Tu sortirais victorieuse de cette seconde épreuve comme de la première. Tu discernerais les traces mensongères d’une barbarie fanatique, nécessaires encore aujourd’hui comme formules de garantie à des esprits imbus du principe d’inégalité. Rappelle-toi donc bien que les francs-maçons des premiers grades n’aspirent, pour la plupart, qu’à construire un temple profane, un abri mystérieux pour une association élevée à l’état de caste. Tu comprends autrement, et tu vas marcher droit au temple universel qui doit recevoir tous les hommes confondus dans un même culte, dans un même amour. Cependant tu dois faire ici une dernière station, et te prosterner devant ce tombeau. Tu dois adorer le Christ et reconnaître en lui le seul vrai Dieu.

— Vous dites cela pour m’éprouver encore, répondit Consuelo avec fermeté : mais vous avez daigné m’ouvrir les yeux à de hautes vérités, en m’apprenant à lire dans vos livres secrets. Le Christ est un homme divin que nous révérons comme le plus grand philosophe et le plus grand saint des temps antiques. Nous l’adorons autant