Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189

essaient de prendre leurs droits par la violence. Hiram assassiné, c’est le despotisme qui a perdu son prestige et sa force, et qui est descendu au tombeau emportant avec lui le secret de dominer les hommes par l’aveuglement et la superstition.

— Est-ce ainsi, véritablement, que tu interpréterais ce mythe ?

— J’ai lu dans vos livres qu’il avait été apporté d’Orient par les templiers, et qu’ils l’avaient fait servir à leurs initiations. Ils devaient donc l’interpréter à peu près ainsi ; mais en baptisant Hiram, la théocratie, et les assassins, l’impiété, l’anarchie et la férocité, les templiers, qui voulaient asservir la société à une sorte de despotisme monacal, pleuraient sur leur impuissance personnifiée par l’anéantissement d’Hiram. Le mot perdu et retrouvé de leur empire, c’était celui d’association ou de ruse, quelque chose comme la cité antique, ou le temple d’Osiris. Voilà pourquoi je m’étonne de voir cette fable servir encore pour vos initiations à l’œuvre de la délivrance universelle. Je voudrais croire qu’elle n’est proposée à vos adeptes que comme une épreuve de leur intelligence et de leur courage.

— Eh bien, nous qui n’avons point inventé ces formes de la maçonnerie, et qui ne nous en servons effectivement que comme d’épreuves morales, nous qui sommes plus que compagnons et maîtres dans cette science symbolique, puisque, après avoir traversé tous les grades maçonniques, nous sommes arrivés à n’être plus maçons comme on l’entend dans les rangs vulgaires de cet ordre ; nous t’adjurons de nous expliquer le mythe d’Hiram comme tu l’entends, afin que nous portions sur ton zèle, ton intelligence et ta foi le jugement qui t’arrêtera ici à la porte du véritable temple, ou qui te livrera l’entrée du sanctuaire.