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Une cloche au son faible et lugubre rassemblait les ombres en cet instant vers la chapelle ruinée où Consuelo avait naguère cherché, à la lueur des éclairs, un refuge contre l’orage. Cette chapelle était maintenant illuminée de cierges disposés dans un ordre systématique. L’autel semblait avoir été relevé récemment ; il était couvert d’un drap mortuaire et paré d’insignes bizarres, où les emblèmes du christianisme se trouvaient mêlés à ceux du judaïsme, à des hiéroglyphes égyptiens, et à divers signes cabalistiques. Au milieu du choeur, dont on avait rétabli l’enceinte avec des balustrades et des colonnes symboliques, on voyait un cercueil entouré de cierges, couvert d’ossements en croix, et surmonté d’une tête de mort dans laquelle brillait une flamme couleur de sang. On amena auprès de ce cénotaphe un jeune homme dont Consuelo ne put voir les traits ; un large bandeau couvrait la moitié de son visage ; c’était un récipiendaire qui paraissait brisé de fatigue ou d’émotion. Il avait un bras et une jambe nus, ses mains était attachées derrière son dos, et sa robe blanche était tachée de sang. Une ligature au bras semblait indiquer qu’il venait d’être saigné en effet. Deux ombres agitaient autour de lui des torches de résine enflammées et répandaient sur son visage et sur sa poitrine des nuages de fumée et des tourbillons d’étincelles. Alors commença entre lui et ceux qui présidaient la cérémonie, et qui portaient des signes distinctifs de leurs dignités diverses, un dialogue bizarre qui rappela à Consuelo celui que Cagliostro lui avait fait entendre à Berlin, entre Albert et des personnages inconnus. Puis, des spectres armés de glaives, et qu’elle entendit appeler les Frères terribles, couchèrent le récipiendaire sur la dalle, et appuyèrent sur son cœur la pointe de leurs armes, tandis que plusieurs autres commencèrent,