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prodiges de son art merveilleux, risquait peut-être sa vie, tout au moins sa grande réputation de nécromancien, car on l’eût démasqué et chassé immédiatement.

« Dans le court et mystérieux séjour qu’il fit à Berlin à cette époque, Albert sut pénétrer assez avant dans vos démarches et dans vos pensées pour se rassurer sur votre situation. Il vous surveilla de près à votre insu, et revint, tranquille en apparence, mais plus ardemment épris de vous que jamais. Durant plusieurs mois, il voyagea à l’étranger, et servit notre cause avec activité. Mais ayant été averti que quelques intrigants, peut-être espions du roi de Prusse, tentaient d’ourdir à Berlin une conspiration particulière, dangereuse pour l’existence de la maçonnerie, et probablement funeste pour le prince Henri et pour sa sœur l’abbesse de Quedlimbourg, Albert courut à Berlin, afin d’avertir ces princes de l’absurdité d’une telle tentative, et de les mettre en garde contre le piège qu’elle lui semblait couvrir. Vous le vîtes alors ; et, quoique épouvantée de son apparition, vous montrâtes tant de courage ensuite, et vous exprimâtes à ses amis tant de dévouement et de respect pour sa mémoire, qu’il retrouva l’espoir d’être aimé de vous. Il fut donc résolu qu’on vous apprendrait la vérité de son existence par une suite de révélations mystérieuses. Il a été bien souvent près de vous, et caché jusque dans votre appartement, durant vos entretiens orageux avec le roi, sans que vous en eussiez connaissance. Pendant ce temps, les conspirateurs s’irritaient des obstacles qu’Albert et ses amis apportaient à leurs desseins coupables ou insensés. Frédéric II eut des soupçons. L’apparition de la balayeuse, ce spectre que tous les conspirateurs promènent dans les galeries du palais, pour y fomenter le désordre et la peur, éveilla sa surveillance. La création