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quelque secret, elle peut être tranquille : il se laisserait torturer plutôt que de livrer le secret d’un autre, fût-ce à l’oreille d’un confesseur.

— Eh bien, je le révélerai moi-même à Son Altesse, ce secret qu’elle juge assez important pour allumer sa colère contre un infortuné. Oh ! mon bon Matteus, ne pouvez-vous porter ma lettre tout de suite ?

— Impossible avant la nuit, Madame.

— C’est égal, je vais écrire maintenant ; une occasion imprévue peut se présenter. »

Consuelo rentra dans son cabinet, et écrivit pour demander au prince anonyme une entrevue dans laquelle elle s’engageait à répondre sincèrement à toutes les questions qu’il daignerait lui adresser.

À minuit, Matteus lui rapporta cette réponse cachetée :

« Si c’est au prince que vous voulez parler, votre demande est insensée. Vous ne le verrez, vous ne le connaîtrez jamais ; vous ne saurez jamais son nom. — Si c’est devant le conseil des Invisibles que tu veux comparaître, tu seras entendue ; mais réfléchis aux conséquences de ta résolution : elle décidera de ta vie et de celle d’un autre. »


XXVI.


Il fallut encore patienter vingt-quatre heures après cette lettre reçue. Matteus déclarait qu’il aimerait mieux se couper une main que de demander à voir le prince après minuit. Au déjeuner du lendemain, il se montra encore un peu plus expansif que la veille, et Consuelo crut remarquer que l’emprisonnement du chevalier l’avait aigri contre le prince, au point de lui donner une assez vive démangeaison d’être indiscret pour la première fois