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sait aussitôt retomber sur sa poitrine, et sa mémoire ne se réveillait pas.

« J’essayai en vain de transiger avec ce gardien si dévoué et si aveugle, en lui promettant de ramener Albert au Schreckenstein, à condition qu’il commencerait par le suivre dans un autre endroit où Albert voulait aller. Je ne le persuadai point, et lorsque enfin moitié de gré, moitié de force, nous l’eûmes contraint à laisser sortir mon fils de la caverne, il nous suivit en pleurant, en murmurant, et en chantant d’une voix lamentable jusqu’au-delà des mines de Cuttemberg. Arrivés dans un endroit célèbre ou Ziska remporta jadis une de ses grandes victoires sur Sigismond, Zdenko reconnut bien les rochers qui marquent la frontière, car nul n’a exploré comme lui, dans ses courses vagabondes, tous les sentiers de cette contrée. Là il s’arrêta, et dit, en frappant la terre de son pied : « Jamais plus Zdenko ne quittera le sol qui porte les ossements de ses pères ! Il n’y a pas longtemps qu’exilé et banni par mon Podiebrad pour avoir méconnu et menacé la sainte fille qu’il aime, j’ai passé des semaines et des mois sur la terre étrangère. J’ai cru que j’y deviendrais fou. Je suis revenu depuis peu de temps dans mes forêts chéries, pour voir dormir Albert, parce qu’une voix m’avait chanté dans mon sommeil que sa colère était passée. À présent qu’il ne me maudit plus, vous me le volez. Si c’est pour le conduire vers sa Consuelo, j’y consens. Mais, quant à quitter encore une fois non pays, quant à parler la langue de nos ennemis, quant à leur tendre la main, quant à laisser le Schreckenstein désert et abandonné, je ne le ferai plus. Cela est au-dessus de mes forces ; et d’ailleurs, les voix de mon sommeil me l’ont défendu. Zdenko doit vivre et mourir sur la terre des slaves ; il doit vivre et mourir en chantant la gloire des slaves et leurs malheurs dans