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mémoire me revint, je fis un cri auquel les voûtes glacées répondirent par un cri si lugubre, que la sueur me coula du front froide comme l’humidité du sépulcre ; je me crus encore une fois enterrée vivante. Que s’était-il passé ? que se passait-il encore ? je tombai à genoux, je tordis mes bras dans une prière désespérée, j’appelai Albert avec des cris furieux. Enfin, j’entends des pas sourds et inégaux, comme de gens qui s’approchent portant un fardeau. Un chien aboyait et gémissait, et plus prompt qu’eux, il vint à diverses reprises gratter à la porte. Elle s’ouvrit, et je vis Marcus et Zdenko m’apportant Albert, roidi, décoloré, mort enfin selon toutes les apparences. Son chien Cynabre sautait après lui et léchait ses mains pendantes. Zdenko chantait en improvisant d’une voix douce et pénétrée :

« — Viens dormir sur le sein de ta mère, pauvre ami si longtemps privé du repos ; viens dormir jusqu’au jour, nous t’éveillerons pour voir lever le soleil. »

« Je m’élançai sur mon fils. « — Il n’est pas mort, m’écriai-je. Oh ! Marcus, vous l’avez sauvé, n’est-ce pas ? Il n’est pas mort ? il va se réveiller ?

« — Madame, ne vous flattez pas, dit Marcus avec une fermeté épouvantable ; je n’en sais rien, je ne puis croire à rien ; ayez du courage, quoi qu’il arrive. Aidez-moi, oubliez-vous vous-même. »

« Je n’ai pas besoin de vous dire quels soins nous prîmes pour ranimer Albert. Grâce au ciel, il y avait un poêle dans cette cave. Nous réussîmes à réchauffer ses membres. « — Voyez, disais-je à Marcus, ses mains sont tièdes !

« — On peut donner de la chaleur au marbre, me répondait-il d’un ton sinistre ; ce n’est pas lui donner la vie. Ce cœur est inerte comme de la pierre !

« D’épouvantables heures se traînèrent dans cette