Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145

« — Femme, me disait-il souvent, je ne sais pas ton nom, mais tu es le bon ange de mon Podiebrad. Bien souvent je l’ai vu dessiner ta figure sur du papier, et décrire ta voix, ton regard et ta démarche dans ses bonnes heures, quand le ciel s’ouvrait devant lui et qu’il voyait apparaître autour de son chevet ceux qui ne sont plus, au dire des hommes. »

« Loin de repousser les épanchements de Zdenko, je les encourageai. Je flattai son illusion, et j’obtins qu’il nous recueillît, Marcus et moi, dans la grotte du Schreckenstein. En voyant cette demeure souterraine, et en apprenant que mon fils avait vécu là des semaines et presque des mois entiers à l’insu de tout le monde, je compris la couleur lugubre de ses pensées. Je vis une tombe, à laquelle Zdenko semblait rendre une espèce de culte, et ce ne fut pas sans peine que j’en connus la destination. C’était le plus grand secret d’Albert et de Zdenko, et leur plus grande réserve.

« — Hélas ! c’est là, me dit l’insensé, que nous avons enseveli Wanda de Prachalitz, la mère de mon Albert. Elle ne voulait pas rester dans cette chapelle, où ils l’avaient scellée dans la pierre. Ses os ne faisaient que s’agiter et bondir, et ceux d’ici, ajouta-t-il en nous montrant l’ossuaire des taborites au bord de la source, nous reprochaient toujours de ne pas l’amener auprès d’eux. Nous avons été chercher cette tombe sacrée, et nous l’avons ensevelie ici, et tous les jours nous y apportions des fleurs et des baisers.

« Effrayée de cette circonstance, qui pouvait par la suite amener la découverte de mon secret, Marcus questionna Zdenko, et sut qu’il avait apporté là mon cercueil sans l’ouvrir. Ainsi, Albert avait été malade et égaré au point de ne plus se rappeler mon existence, et de s’obstiner dans l’idée de ma mort. Mais tout cela n’était-il