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des titres et dignité de Son Altesse, je n’ai jamais entendu mentionner cette qualité.

— Mais ne me sera-t-il pas permis de voir ce prince, de me jeter à ses pieds, de lui demander la liberté de ce chevalier Liverani, qui est innocent de toute indiscrétion, j’en puis faire le serment ?

— Je n’en sais rien, et je crois que ce sera au moins très-difficile à obtenir. Cependant j’ai accès tous les soirs auprès de Son Altesse, pendant quelques instants, pour lui rendre compte de la santé et des occupations de Madame ; et si Madame écrivait, peut-être réussirais-je à faire lire le billet sans qu’il passât par les mains des secrétaires.

— Cher monsieur Matteus, vous êtes la bonté même, et je suis sûre que vous devez avoir la confiance du prince. Oui, certainement, j’écrirai, puisque vous êtes assez généreux pour vous intéresser au chevalier.

— Il est vrai que je m’y intéresse plus qu’à tout autre. Il m’a sauvé la vie, au risque de la sienne, dans un incendie. Il m’a soigné et guéri de mes brûlures. Il a remplacé les effets que j’avais perdus. Il a passé des nuits à me veiller, comme s’il eût été mon serviteur et moi son maître. Il a arraché au vice une nièce que j’avais, et il en a fait, par ses bonnes paroles et ses généreux secours, une honnête femme. Que de bien n’a-t-il pas fait dans toute cette contrée et dans toute l’Europe, à ce qu’on assure ! C’est le jeune homme le plus parfait qui existe, et Son Altesse l’aime comme son propre fils.

— Et pourtant Son Altesse l’envoie en prison pour une faute légère ?

— Oh ! Madame ignore qu’il n’y a point de faute légère aux yeux de Son Altesse, en fait d’indiscrétion.

— C’est donc un prince bien absolu ?