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me laissai convaincre. Je consentis à partir avec lui pour ne jamais redevenir la comtesse de Rudolstadt.

« Mais au moment où nous allions partir, dans la nuit, on vint chercher Marcus pour secourir Albert qu’on disait dangereusement malade. La tendresse maternelle, que le malheur semblait avoir étouffée, se réveilla dans mon sein. Je voulus suivre Marcus à Riesenburg ; aucune puissance humaine, pas même la sienne, n’eût pu m’en dissuader. Je montai dans sa voiture, et, enveloppée d’un long voile, j’attendis avec anxiété, à quelque distance du château, qu’il allât voir mon fils, et qu’il m’en rapportât des nouvelles. Il revint bientôt en effet, m’assura que l’enfant n’était point en danger, et voulut me ramener chez lui, afin de retourner passer la nuit auprès d’Albert. Je ne pus m’y décider. Je voulus l’attendre encore, cachée derrière les sombres murailles du château, tremblante et agitée, tandis qu’il retournait soigner mon fils. À peine fus-je seule, que mille inquiétudes me dévorèrent le cœur. Je n’imaginai que Marcus me cachait la véritable situation d’Albert, que peut-être il était mourant, qu’il allait expirer sans avoir reçu mon dernier baiser. Dominée par cette persuasion funeste, je m’élançai sous le portique du château ; un valet, que je rencontrai dans la cour, laissa tomber son flambeau, et s’enfuit en se signant. Mon voile cachait mes traits, mais l’apparition d’une femme au milieu de la nuit suffisait pour réveiller les idées superstitieuses de ces crédules serviteurs. On ne doutait pas que je fusse l’ombre de la malheureuse et impie comtesse Wanda. Un hasard inespéré voulut que je puisse pénétrer jusqu’à la chambre de mon fils sans rencontrer d’autres personnes, et que la chanoinesse fût sortie en cet instant pour chercher quelque médicament ordonné par Marcus. Mon mari, suivant sa coutume, avait été prier dans son