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serai ton avocat. Il faut que tu me relèves du secret de ta confession.

— Eh quoi ! vous ne serez plus le seul confident de mes sentiments intimes, de mes combats, de mes souffrances ?

— Si tu formulais une demande en divorce devant un tribunal, n’aurais-tu pas des plaintes publiques à faire ? Cette souffrance te sera épargnée. Tu n’as à te plaindre de personne. N’est-il pas plus doux d’avouer l’amour que de déclarer la haine ?

— Suffit-il donc d’éprouver un nouvel amour pour avoir le droit d’abjurer l’ancien ?

— Tu n’as pas eu d’amour pour Albert.

— Il me semble que non ; pourtant je n’en jurerais pas.

— Tu n’en douterais pas si tu l’avais aimé. D’ailleurs, la question que tu fais porte sa réponse en elle-même. Tout nouvel amour exclut l’ancien par la force des choses.

— Ne prononcez pas cela trop vite, mon père, dit Consuelo avec un triste sourire. Pour aimer Albert autrement que l’autre, je ne l’en aime pas moins que par le passé. Qui sait si je ne l’aime pas davantage ? Je me sens prête à lui sacrifier cet inconnu, dont la pensée m’ôte le sommeil et fait battre mon cœur encore en ce moment où je vous parle.

— N’est-ce pas l’orgueil du devoir, l’ardeur du sacrifice plus que l’affection, qui te conseillent cette sorte de préférence pour Albert ?

— Je ne le crois pas.

— En es-tu bien sûre ? Songe que tu es ici loin du monde, à l’abri de ses jugements, en dehors de toutes ses lois. Si nous te donnons une nouvelle formule et de nouvelles notions du devoir, persisteras-tu à préférer le