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onze heures, nous avons toute la nuit devant nous ; notre petite orgie tire à sa fin, car nous ne faisons plus que bavarder, et je vois que la seconde bouteille de champagne aura tort. Veux-tu me raconter ton histoire, telle que je te la demande ? Il me semble que la connaissance de ton cœur, et le tableau d’une vie où tout me sera nouveau et inconnu va m’instruire des véritables devoirs de ce monde, plus que toutes mes réflexions ne l’ont jamais pu faire. Je me sens capable de t’écouter et de te suivre comme je n’ai jamais pu écouter rien de ce qui était étranger à ma passion. Veux-tu me satisfaire ?

— Je le ferais de grand cœur, Madame… répondit la Porporina.

— Quelle dame ? où prends-tu ici cette Madame ? interrompit gaiement la princesse.

— Je dis, ma chère Amélie, reprit la Porporina, que je le ferais avec plaisir, si, dans ma vie, il ne se trouvait un secret important, presque formidable, auquel tout se rattache, et qu’aucun besoin d’épanchement, aucun entraînement de cœur ne me permettent de révéler.

— Eh bien, ma chère enfant, je le sais, ton secret ! et si je ne t’en ai pas parlé dès le commencement de notre souper, c’est par un sentiment de discrétion au-dessus duquel je sens maintenant que mon amitié pour toi peut se placer sans scrupule.

— Vous savez mon secret ! s’écria la Porporina pétrifiée de surprise. Oh ! Madame, pardonnez ! cela me paraît impossible.

Un gage ! Tu me traites toujours en Altesse.

— Pardonne-moi, Amélie…, mais tu ne peux pas savoir mon secret, à moins d’être réellement d’accord avec Cagliostro, comme on le prétend.