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sement profane, par un cri perçant de la Porporina, qui se jeta dans ses bras, et se cacha le visage sur son épaule, comme un enfant épouvanté de quelque objet bizarre ou terrible.

Le grave M. Stoss regarda autour de lui pour chercher la cause de cette épouvante soudaine, et vit, arrêtée au seuil de la salle, une personne dont l’aspect ne lui causa qu’un sentiment de dédain. Il allait faire signe à cette personne de s’éloigner, mais elle avait passé outre, avant que la Porporina, cramponnée à lui, lui eût laissé la liberté de ses mouvements.

« En vérité, mademoiselle, lui dit-il en la conduisant à une chaise où elle se laissa tomber anéantie et tremblante, je ne comprends pas ce qui vous arrive. Je n’ai rien vu qui pût motiver l’émotion que vous ressentez.

— Vous n’avez rien vu, nous n’avez vu personne ? lui dit la Porporina d’une voix éteinte et d’un air égaré. Là, sur cette porte… vous n’avez pas vu un homme arrêté, qui me regardait avec des yeux effrayants ?

— J’ai vu parfaitement un homme qui erre souvent dans le château et qui voudrait peut-être se donner des airs effrayants comme vous dites fort bien ; mais je vous confesse qu’il m’intimide peu, et que je ne suis pas de ses dupes.

— Vous l’avez vu ? ah ! monsieur, il était donc là, en effet ? Je ne l’ai pas rêvé ? Mon Dieu, mon Dieu ! qu’est-ce que cela signifie ?

— Cela signifie qu’en vertu de la protection spéciale d’une aimable et auguste princesse qui s’amuse, je crois, de ses folies plus qu’elle n’y ajoute foi, il est entré dans le château et se rend aux appartements de son Altesse Royale.

— Mais qui est-il ? Comment le nommez-vous ?

— Vous l’ignorez ? d’où vient donc que vous avez peur ?