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parlons-nous là ? De Kleist, nous tenons le secret du roi, il faut en profiter. Comment allons-nous nous y prendre ?

— Il faut accaparer cette Porporina, et nous dépêcher avant que sa faveur la rende vaine et méfiante.

— Sans doute, il ne faut épargner ni présents, ni promesses, ni cajoleries. Tu iras dès demain chez elle ; tu lui demanderas de ma part… de la musique, des autographes du Porpora ; elle doit avoir beaucoup de choses inédites des maîtres italiens. Tu lui promettras en retour des manuscrits de Sébastien Bach. J’en ai plusieurs. Nous commencerons par des échanges. Et puis, je lui demanderai de venir m’enseigner les mouvements et dès que je la tiendrai chez moi, je me charge de la séduire et de la dominer.

— J’irai demain matin, Madame.

— Bonsoir, de Kleist. Tiens, viens m’embrasser. Tu es ma seule amie, toi ; va te coucher, et si tu rencontres la Balayeuse dans les galeries, regarde bien si elle n’a pas des éperons sous sa robe. »


IV.

Le lendemain, la Porporina, en sortant fort accablée d’un pénible sommeil, trouva sur son lit deux objets que sa femme de chambre venait d’y déposer. D’abord, un flacon de cristal de roche avec un fermoir d’or sur lequel était gravée une F, surmontée d’une couronne royale, et ensuite un rouleau cacheté. La servante interrogée raconta comme quoi le roi était venu en personne, la veille au soir, apporter ce flacon ; et, en apprenant les circonstances d’une visite si respectueuse et si délicatement naïve, la Porporina fut attendrie. Homme étrange !