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prendre cela bien vite ! Ah ! ma pauvre enfant, que tu es bonne !

— Dites aussi malgré les revenants. Savez-vous qu’il y a une panique nouvelle dans le château depuis quelques nuits, et que mon chasseur tremblait comme un grand imbécile en traversant les corridors pour m’accompagner ?

— Qu’est-ce que c’est ? encore la femme blanche ?

— Oui, la Balayeuse.

— Cette fois, ce n’est pas nous qui faisons ce jeu-là, ma pauvre de Kleist ! Nos fantômes sont bien loin, et fasse le ciel que ces revenants-là puissent revenir !

— Je pensais d’abord que c’était le roi qui s’amusait à revenir, puisque maintenant il a des motifs pour écarter les valets curieux de dessus son passage. Mais, ce qui m’a fort étonnée, c’est que le sabbat ne se passe pas autour de ses appartements, ni sur sa route pour aller chez la Porporina. C’est autour de Votre Altesse que les esprits se promènent, et j’avoue que maintenant que je n’y suis plus pour rien, cela m’effraie un peu.

— Que dis-tu là, enfant ? Comment pourrais-tu croire aux spectres, toi qui les connais si bien ?

— Et voilà le hic ! on dit que quand on les imite, cela les fâche, et qu’ils se mettent à vos trousses tout de bon pour vous punir.

— En ce cas, ils s’y prendraient un peu tard avec nous ; car depuis plus d’un an, ils nous laissent en repos. Allons, ne t’occupe pas de ces balivernes. Nous savons bien ce qu’il faut croire de ces âmes en peine. Certainement c’est quelque page ou quelque bas officier qui vient la nuit demander des prières à la plus jolie de mes femmes de chambre. Aussi la vieille, à qui on ne demande rien du tout, a-t-elle une frayeur épouvantable. J’ai vu le moment où elle ne voudrait pas t’ouvrir. Mais de quoi