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Au moment où minuit avait sonné à la grande horloge du palais, la jeune et mondaine abbesse de Quedlimburg venait de se mettre dans son lit de satin rose, lorsque sa première femme de chambre, en lui plaçant ses mules sur son tapis d’hermine, tressaillit et laissa échapper un cri. On venait de frapper à la porte de la chambre à coucher de la princesse.

« Eh bien, es-tu folle ? dit la belle Amélie, en entr’ouvrant son rideau : qu’as-tu à sauter et à soupirer de la sorte ?

— Est-ce que Votre Altesse royale n’a pas entendu frapper ?

— On a frappé ? En ce cas, va voir ce que c’est.

— Ah ! madame, quelle personne vivante oserait frapper à la porte de Votre Altesse, quand on sait qu’elle est couchée ?

— Aucune personne vivante n’oserait, dis-tu ? En ce cas c’est une personne morte. Va lui ouvrir en attendant. Tiens, on frappe encore ; va donc, tu m’impatientes. »

La femme de chambre, plus morte que vive, se traîna vers la porte, et demanda qui est là ? d’une voix tremblante.

« C’est moi, madame de Kleist, répondit une voix bien connue ; si la princesse ne dort pas encore, dites-lui que j’ai quelque chose d’important à lui dire.

— Eh vite ! eh vite ! fais-la entrer, cria la princesse, et laisse-nous. »

Dès que l’abbesse et sa favorite furent seules, cette dernière s’assit sur le pied du lit de sa maîtresse, et parla ainsi :

« Votre Altesse royale ne s’était pas trompée. Le roi est amoureux fou de la Porporina, et il n’est pas encore son amant, ce qui donne certainement à cette