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de promenade, elle se sentit attristée par la solitude et le silence qui régnaient dans ces beaux lieux. Elle en avait fait déjà plusieurs fois le tour, sans y rencontrer seulement la trace d’un pied humain sur le sable fin et fraîchement passé au râteau. Des murailles assez élevées, que masquait une épaisse végétation, ne lui permettaient pas de s’égarer au hasard dans des sentiers inconnus. Elle savait déjà par cœur tous ceux qui se croisaient sous ses pas. Dans quelques endroits, le mur s’interrompait pour être remplacé par de larges fossés remplis d’eau, et les regards pouvaient plonger sur de belles pelouses montant en collines et terminées par des bois, ou sur l’entrée des mystérieuses et charmantes allées qui se perdaient sous le taillis en serpentant. De sa fenêtre, Consuelo avait vu toute la nature à sa disposition : de plain-pied, elle se trouvait dans un terrain encaissé, borné de toutes parts, et dont toutes les recherches intérieures ne pouvaient lui dissimuler le sentiment de sa captivité. Elle chercha le palais enchanté où elle s’était éveillée. C’était un très petit édifice à l’italienne, décoré avec luxe à l’intérieur, élégamment bâti au dehors, et adossé contre un rocher à pic d’un effet pittoresque, mais qui formait une meilleure clôture naturelle pour tout le fond du jardin et un plus impénétrable obstacle à la vue que les plus hautes murailles et les plus épais glacis de Spandaw. « Ma forteresse est belle, se dit Consuelo, mais elle n’en est que mieux close, je le vois bien. »

Elle alla se reposer sur la terrasse d’habitation, qui était ornée de vases de fleurs et surmontée d’un petit jet d’eau. C’était un endroit ravissant ; et pour n’embrasser que l’intérieur d’un jardin, quelques échappées sur un grand parc, et de hautes montagnes dont les cimes bleues dépassaient celles des arbres, la vue n’en était