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cieux et limpides, s’élevait un sublime horizon de montagnes bleues, aux croupes variées, aux cimes imposantes. Le pays était inconnu à Consuelo. Aussi loin que sa vue pouvait s’étendre, elle ne trouvait aucun indice révélateur d’une contrée particulière en Allemagne, où il y a tant de beaux sites et de nobles montagnes. Seulement, la floraison plus avancée et le climat plus chaud qu’en Prusse lui attestaient quelques pas de plus faits vers le midi. « Ô mon bon chanoine, où êtes-vous ? pensa Consuelo en contemplant les bois de lilas blancs et les haies de roses, et la terre jonchée de narcisses, de jacinthes et de violettes. Ô Frédéric de Prusse, béni soyez-vous pour m’avoir appris par de longues privations et de cruels ennuis à savourer, comme je le dois, les délices d’un pareil refuge ! Et vous, tout-puissant invisible, retenez-moi éternellement dans cette douce captivité ; j’y consens de toute mon âme… surtout si le chevalier… » Consuelo n’acheva pas de formuler son désir. Depuis qu’elle était sortie de sa léthargie, elle n’avait pas encore pensé à l’inconnu. Ce souvenir brûlant se réveilla en elle, et la fit réfléchir au sens des paroles menaçantes inscrites sur tous les murs, sur tous les meubles du palais magique, et jusque sur les ornements dont elle s’était ingénument parée.


XXIV.

Consuelo ressentait, par-dessus tout, un désir et un besoin de liberté, bien naturels après tant de jours d’esclavage. Elle éprouva donc un plaisir extrême à s’élancer dans un vaste espace, que les soins de l’art et l’ingénieuse disposition des massifs et des allées faisaient paraître beaucoup plus vaste encore. Mais au bout de deux heures