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— Seulement un peu indisposée. Vous devez vous trouver beaucoup mieux ?

— Je me sens bien, et je vous remercie de vos soins.

— Je vous présente mes devoirs, et ne paraîtrai plus devant Votre Seigneurie qu’elle ne me fasse appeler pour cause de maladie.

— Suis-je arrivée au terme de mon voyage ?

— Oui, madame.

— Suis-je libre ou prisonnière ?

— Vous êtes libre, madame la comtesse, dans toute l’enceinte réservée à votre habitation.

— Je comprends, je suis dans une grande et belle prison, dit Consuelo en regardant sa chambre vaste et claire, tendue de lampas blanc à ramages d’or, et relevée de boiseries magnifiquement sculptées et dorées. Pourrai-je voir Karl ?

— Je l’ignore, madame, je ne suis pas le maître ici. Je me retire ; vous n’avez plus besoin de mon ministère ; et il m’est défendu de céder au plaisir de causer avec vous. »

L’homme noir sortit ; et Consuelo, encore faible et nonchalante, essaya de se lever. Le seul vêtement qu’elle trouva sous sa main fut une longue robe en étoffe de laine blanche, d’un tissu merveilleusement souple, ressemblant assez à la tunique d’une dame romaine. Elle la prit, et en fit tomber un billet sur lequel était écrit en lettres d’or :

« Ceci est la robe sans tache des néophytes. Si ton âme est souillée, cette noble parure de l’innocence sera pour toi la tunique dévorante de Déjanire. »

Consuelo, habituée à la paix de sa conscience (peut-être même à une paix trop profonde), sourit et passa la belle robe avec un plaisir naïf. Elle ramassa le billet pour le lire encore, et le trouva puérilement empha-